Aimar Vasilis n'a pas toujours été un Banni. D'abord simple civil parmi les juges, il était pourtant l'un des rares hommes pouvant se targuer d’être un autodidacte, un être qui provoquait l’expérience et en tirait la source qu’il convoite. Il reçut bien entendu l’enseignement d'un puissant guerrier, ancien ami de ses parents qui s'occupa de lui comme un père. Mais la jeunesse d’Aimar fut marquée du rare sceau du génie, un phénomène qui évolue et se recrée en permanence. Nombreux de ses maîtres furent enthousiasmés devant ses talents, offusqués aussi, mais la contemplation l’emportait toujours. Car Aimar ne copiait pas, il voulait créer et surpasser.
Le temps des voyages et des quêtes personnelles formerait surement plus Aimar que son passé trouble à enseigner. Une errance à travers différents monde, loin d’être dénuée d’intérêt. Un homme trop rigoureux pourrait déclarer Aimar mégalomane et inhumain suite à certaines expériences barbares qu'il fit, mais la réalité était tout autre. Le sous-chef des bannis ne serait jamais autant humain que pendant ces moments profonds. Désespérément et tristement humain.
Aimar croiserait la route d’hommes et de femmes qu’il sauverait ou tuerait au bon moment, il évoluerait avec une logique froide. Les premiers qui le suivraient constitueraient sa force de demain. C’est au cours de son vagabondage qu’il se forgera une ambition toujours plus forte et qu'il se créera un nom parmi les siens. Traiter comme chose ceux qui peuvent lui servir, utiliser la force attirante des créatures que le destin met entre ses mains, telle fut sa technique. Mais la destinée s’avérerait elle aussi une chose malléable à souhait entre ses mains doucereuses.

L'envie ardente de dépasser le stade puérile de civil parmi les juges devenait étouffante, aussi Aimar se devait de quitter un clan ne répondant pas à son ambition personnelle. Qui au sein du Conseil des Juges pouvait comprendre ses motivations ? Qui pouvait accepter comme il se doit ses expériences immorales pour qui se place en inquisiteur ? Il aurait été incompris, bafoué et humilié, il se devait de partir et préparer dans l'ombre un retour chaotique. Un ancien du Temple de la Rose, Akô Shinji, qui fut son tuteur avait semble t-il deviné son véritable fond, sa nature trouble et polymorphe. Mais la loyauté infaillible d'Aimar avait symbolisé un temps l'espoir pour Akô d'avoir enfin trouvé son successeur. Cette idée n'était qu'illusion, le juge décida d'ouvrir les yeux, mais ce fut trop tard. Lui, et deux autres de ses hommes subirent les frais des expériences d'Aimar et leur corps servit à créer un rituel de pantins. Ils ne purent jamais prouver la culpabilité d'Aimar, et toute la responsabilité de leur disparition fut porté par les parents, qui furent exécuté rapidement et sans réel jugement de fond.
La machine infernale était lancée, une ambition purement humaine anima surement Aimar qui ne tarda pas à devenir un membre du conseil, en prenant sous son aîle de nombreux hommes corrompus qu'il manipula plusieurs années.
La faiblesse de Akô devant son espoir déchus, l'envie d'Aimar de mettre en acte sa soif de création, il n'en fallut pas plus pour que le plus talentueux des hommes de sa génération devienne un individu sage et respecté, qui s'entoura de faibles d'esprit.

De son passé lointain, nous ne conservons qu'une scène de recueillement sur la tombe de ses parents, en compagnie d'un oncle éloigné. Ce dernier raconta d'ailleurs à son neveu que son père et sa mère se seraient réincarnés en serpent, un symbole d'espoir et d'immortalité. Cette image peut paraître hautement anodine de prime abord, si ce n'est la lueur étrange qui s'alluma dans le regard d'Aimar. Ce jour particulier fut peut être le déclencheur de son envie d'immortalité et de grandeur. Lui qui déclare devenir éternel pour assouvir sa soif de connaissances et de puissance, peut être cherchait-t-il simplement un moyen de faire revenir ses parents. Un objectif beau et tendrement humain, cela est possible mais ce n'est que supposition. Basculer dans les excès de la terreur et outrepasser toutes les limites n'était surement pas prévus au programme, mais l'enfant doué espéré par Akô à peut-être compris que justement il n'y avait aucunes limites à imaginer pour arriver à un but qu'il espère tant ; la Connaissance Ultime. Rien ne semblait pouvoir lui faire résistance dans son apprentissage des arts de l'Ombre qu'il tentait déjà de façonner à sa manière en secret. Le futur sous-chef des bannis était sans conteste le plus brillant de sa garde pourtant constituée de valeureux juges. Le moindre de ses entraînements était suivi du regard attentif et admiratif de ses supérieurs.
Il comprit surement de suite que ses ambitions n'étaient pas viables là où il était, le « Bien » ne pouvait accepter ses méthodes et sa pensée qui évolua d'une façon étonnante. Le domaine de l'interdit attirait déjà cet homme pragmatique, il voulait élargir sa puissance, quitte à braver toutes les règles, une soif qui n'a pas de fin, le savoir pour le savoir, c'est exactement ce qu'il extériorisait. Les buts qui l'animaient restaient profondément ancrés en lui, il évoluait avec une volonté de création, la connaissance était nécessaire pour lui et il ne faisait aucunes distinctions, tout était bon pour assouvir son envie de savoir. La moralité rigide de ses chefs et des autres ne faisait que le freiner, personne n'aurait été à même de le comprendre, de chercher à accepter ses expériences, ses recherches dérangeantes et ses ambitions sombres et inavouables. Il fallait qu'il rejoigne un autre groupe. Des individus qui le comprendraient mieux. Ou qui l'accepteraient mieux.
Alors un jour, lors d'un nuit mouvementée ou la fête battait son plein, il quitta le royaume du Bien pour fuir et rejoindre les bannis.

Et l'espoir se transforma en germe de destruction. Une fleur du mal qui prit le temps de pousser, tout au long de ses voyages Aimar échafauda consciencieusement ses plans machiavéliques. Il étoffa sa connaissance de l'homme et du monde en général en parcourant diverses contrées à la recherche d'une vérité qui lui était propre. Les rencontres que le destin mit sur sa route ont servit à coup sûr ses ambitions personnelles. Son vagabondage se transforma en pure recherche.
Lorsqu'il atteignit enfin les bannis, il conta son histoire et expliqua comment il avait mis fin aux jours de ses précepteurs, et quels étaient ses buts. Il montra aussi l'étendu de ses pouvoirs, et finalement, en enchaînant les étapes et en se faisant accepter, il devint le nouveau sous-chef des Bannis. L'Homme de la connaissance..